Pour la deuxième année consécutive s’est tenue la seconde édition de l’Université d’Été du Mobile Learning les 4 et 5 juillet derniers à Sophia Antipolis. À cette occasion, Tony Small, Managing Director chez Inova est intervenu pour animer la conférence « Vue Outre-Manche : les tendances RH au Royaume-Uni ».
Curiosité et performance
De nos jours, deux thèmes et défis importants sous-tendent de nombreux sujets sensibles en Grande Bretagne dans le domaine de la formation et du développement. Le premier concerne la curiosité ou plus exactement, comment il est possible d’encourager au mieux ses apprenants à utiliser l’un des traits les plus profondément humains, la curiosité. Le second thème concerne l’amélioration de la performance au sein d’une organisation.
De nombreux sujets sous-jacents se cachent derrière ces deux thèmes. Albert Einstein en était bien conscient dans ses efforts pour faire avancer la science. Selon lui, « L’important est de ne pas cesser de se poser des questions. La curiosité a sa propre raison d’exister. » C’est une caractéristique propre à l’être humain car la curiosité est à l’origine de l’évolution de l’espèce humaine, de ses connaissances et de ses actes. Une seconde citation souligne aussi le défi que nous devons relever lorsque nous essayons de formaliser notre enseignement et que nous essayons de le mettre en œuvre : « C’est un miracle que la curiosité survit à l’éducation formelle. »
Bien que ces deux notions n’aillent pas toujours ensemble, c’est un phénomène que l’on observe actuellement en Grande-Bretagne ; beaucoup essaie d’inciter les apprenants à utiliser leur curiosité naturelle dans la formation en entreprise.
Microlearning : mythe ou réalité ?
Le microlearning nous rappelle quelques faits importants sur la façon dont est structuré l’enseignement pour le rendre accessible aux apprenants. Le premier effet du microlearning est de permettre cette évolution vers une culture de l’apprentissage « pull ». La formation est maintenant conçue comme un contenu facile à ingérer et à digérer que les apprenants peuvent choisir. Ils peuvent s’approprier véritablement l’information et l’explorer par eux-mêmes. L’exploration étant à la base du concept de curiosité…
Le microlearning a aussi d’autres intérêts. Il met l’accent sur un thème commun à beaucoup de sujets : ce qui compte, c’est la qualité et non la quantité. Dans le domaine de la formation axée sur la technologie, les créateurs de contenus se cachent depuis trop longtemps derrière le volume du contenu qu’ils créent. Ce que fait le microlearning dans ce cas, c’est qu’il oblige ces créateurs à réfléchir beaucoup plus attentivement à la qualité de ce qu’ils créent. Attention, cela ne signifie pas qu’un contenu moins volumineux est moins coûteux à produire, c’est tout le contraire. Winston Churchill disait à ce sujet : « Si vous voulez que je parle pendant deux minutes, j’aurais besoin de trois semaines de préparation. Si vous voulez que je parle pendant trente minutes, alors il me faudra une semaine pour me préparer. Mais si vous voulez que je parle pendant une heure, alors je prendrai la parole tout de suite. » Il ne s’agit pas de faire des économies en passant par le microlearning, il s’agit de mieux investir dans de plus petites quantités de contenus pertinents. Un contenu trop long dilue le message qu’un professionnel souhaite transmettre.
Dans un monde de formation personnalisée, maintenant possible grâce à l’utilisation de l’analyse de données et du machine learning, les apprenants peuvent être dirigés vers des contenus dont ils ignorent l’existence et ainsi acquérir des connaissances dont ils ont besoin pour mieux exercer leurs fonctions. Quant aux informations supplémentaires qui leur sont inutiles, elles peuvent être supprimées de leur parcours pédagogique. Watson, le programme d’intelligence artificielle d’IBM, est maintenant utilisé dans le domaine de la formation, de telle sorte qu’il remplace la plateforme d’apprentissage en ligne. Le parcours de l’apprenant consiste à poser une question à la plateforme dans une boîte de dialogue, pour qu’elle élabore le contenu basé sur ces réponses, à l’aide des métadonnées stockées.
Les plateformes nouvelle génération
La vision de Teach on Mars, qui est de faire de chaque instant un moment potentiel de formation, ouvre la voie à l’avenir. Les apprenants sur leur lieu de travail ont de moins en moins de temps pour suivre des formations en présentiel ; aussi toute formation qu’ils suivent doit être de type J3 : Juste à temps, juste assez et juste pour moi. Ce sont effectivement, les plateformes de nouvelle génération qui permettent de présenter différentes ressources de formation, d’introduire la formation sociale et la formation collaborative ainsi que les concepts de « gamification » et de compétition.
De même, derrière les plateformes de nouvelle génération il y a souvent une modification des normes en aval. SCORM est le standard qui a permis le développement de formations axées sur la technologie depuis maintenant de nombreuses années. Cependant, xAPI pour Experience API ou TinCan, sont de nouvelles normes déjà utilisées depuis quelques temps qui commencent à s’implanter sur le marché. L’avantage d’un système comme xAPI est qu’il est possible de suivre, enregistrer et piloter différentes formes de formation, ce que SCORM, qui a été créé pour le pur e-learning, ne permet pas.
Cela signifie qu’avec l’essor de l’Internet des Objets, toute interaction appareil connecté à un apprenant dans le cadre de son expérience de formation pourrait être suivie et intégrée dans de son parcours de formation. Depuis quelques mois, on constate un véritable basculement dans le monde de l’entreprise. Maintenant, les ecosystèmes de formation de nouvelle génération sont devenues légitimes aux yeux des entreprises. Les organisations pensaient, jusqu’à très récemment, qu’en optant pour une plateforme nouvelle génération, elles devraient investir davantage parallèlement à leur LMS traditionnel. Elles constatent finalement, qu’elles peuvent remplacer l’un par l’autre et c’est ce qui est en train de se passer.
« Faciliter » la performance
Cela nous amène également à un autre sujet sensible, celui de la facilitation de la performance. Le terme de facilitation, habituellement utilisé dans le cadre de l’aide à la vente, consiste dans ce cas présent à impliquer les individus dans leur développement et la réalisation de leur potentiel. La facilitation est un sujet plus vaste que la formation, elle implique d’identifier ce dont ont besoin les apprenants tout en vérifiant l’efficacité managériale dans cette fonction et en veillant à ce que leurs objectifs soient alignés et intégrés. Dans notre monde, la formation est simplement un outil utilisé pour atteindre cet objectif final et il garantit le plus souvent, des résultats positifs pour l’entreprise.
Cela donne lieu à une bascule des rôles et des compétences que les spécialistes de la formation en entreprise doivent posséder. Ce qui fait que le spécialiste de la formation travaille de plus en plus comme un analyste de la performance et de son optimisation, et collabore très étroitement avec l’entreprise et ses commanditaires pour identifier les zones déficitaires où la performance humaine pose problème. Puis, il collabore avec d’autres spécialistes pour trouver des solutions afin de résoudre le problème.
Encourager les apprenants à créer leur playlist
Selon Elliott Masie, expert en technologie éducative, les apprenants n’ont plus besoin des formules de formation que les formateurs ont l’habitude d’utiliser depuis de nombreuses années. Par formules de formation, Elliott entend parler des méthodes, des stratégies et approches employées pour mettre en œuvre les formations et y établit une analogie avec la façon dont est consommée la musique aujourd’hui. Dans le passé, il fallait acheter des albums de musique et les écouter en suivant l’ordre des chansons. De nos jours très peu de personnes achètent des albums ; il suffit de télécharger les morceaux souhaités depuis Internet et créer ses propres playlists. De par cette analogie, Elliott veut dire que les LMS d’aujourd’hui continuent de proposer aux apprenants des albums, alors que ce qu’ils veulent c’est pouvoir créer leur propre playlist.
Il évoque ensuite ce qu’il appelle le « panorama de la formation ». Ce panorama fait référence à toutes les possibilités de formation mises à disposition des apprenants, aux rôles du formateur et de la plateforme qui est d’aider l’apprenant à utiliser tout ce matériel pour répondre à ses besoins et l’aider à créer ses propres playlists.
Il est cependant nécessaire de s’éloigner du langage scolaire et reconnaître que la formation est une expérience, c’est-à-dire un processus interactif et dynamique. Modifier notre langage contribuera à changer notre culture de la formation. Il pose la question : « Qu’avons besoin de ne plus enseigner à nos apprenants ? ». Il met ici le point sur le fait que ce que nous devons savoir dans le monde aujourd’hui nous n’avons pas besoin de le mémoriser. Selon lui, nous comptons sur la technologie pour la mémorisation, notamment sur un outil puissant, le smartphone. Le défi lancé par Elliott Masie aux professionnels de la formation est le suivant : changer ce que nous essayons d’enseigner aux apprenants, essayer de leur transmettre ce qu’il appelle les compétences de navigation, ou la capacité à savoir où il faut aller lorsqu’ils doivent savoir quelque chose.
Pour en revenir à la curiosité, qui est une caractéristique humaine naturelle, elle est motivée par le désir de chaque être humain, tandis que la performance, elle, est une notion organisationnelle profondément intégrée dans nos mentalités. Il est donc tout naturel de se demander si ces deux concepts ne sont pas opposés et s’ils n’entrent pas en conflit. En fait, le rôle du professionnel de la formation consiste à essayer d’harmoniser ces deux concepts. Encourager un apprenant à utiliser sa curiosité, tout en lui montrant la bonne direction, éveillera sa curiosité naturelle dans le but de favoriser la performance de l’organisation.
Personnaliser son parcours d’apprentissage
En tant que professionnel de la formation, il est important de se questionner personnellement sur notre propre façon d’apprendre, sur nos préférences en la matière, et sur ce que nous apprenons au quotidien… Pas sur les petites choses de la vie mais sur les choses importantes de la vie.
Pour ce faire, 3 critères peuvent avoir leur importance lors de cette réflexion :
- la longueur de ce qui est assimilé et appris est liée à la valeur que cela apporte à une personne. Les petites choses de la vie peuvent apporter la valeur recherchée lors du processus d’apprentissage.
- l’importance d’explorer toutes les pistes qui s’ouvrent à soi en tant qu’apprenant. Ne pas se contenter que d’éléments simples, structurés, évidents. Explorer toutes les voies.
- La « Serendipity » (équivalent d’heureux hasard), l’idée qu’il faut se trouver dans suffisamment d’endroits pour que la chance nous sourit et nous propose des opportunités d’apprentissage. Ou, traduit en langage de formation, placez-vous dans suffisamment de situations pour que la formation vous sourit.
Diplômée d’école de commerce et passionnée par les innovations du numérique, Noémie a enfilé son scaphandre et rejoint l’équipe Teach on Mars au poste de Content Manager. Elle intervient en marketing et événementiel tout en contribuant à Teach on Earth, une initiative sociale et environnementale.