En quoi l’expérience utilisateur peut-elle améliorer la dynamique pédagogique et stimuler l’apprentissage, en particulier sur un dispositif mobile ? Ce 2ème billet de blog consacré à l’ergonomie donne quelques clés de lecture des enjeux et des moyens à disposition pour une « ludo-pédagogie ».
Catherine BELLINO, fondatrice de Dia-Logos, Experte en projets d’ergonomie et d’architecture interactive. | Teresa COLOMBI, fondatrice de LudoTIC, Experte en projets pour des interfaces ergonomiques et centrées utilisateurs. |
Catherine et Teresa s’associent à Teach on Mars pour vous proposer à travers une série d’articles leur expertise en ergonomie! Découvrez tous les secrets de création d’une application captivante et maximisez ainsi l’expérience de vos utilisateurs!
Dans notre billet précédent nous avons défini l’expérience utilisateur et son apport dans le domaine de l’apprentissage à distance. Il est temps pour nous de vous faire découvrir comment faire en sorte que l’expérience de l’apprenant soit agréable, immersive et in fine efficace par rapport à son but ultime : véhiculer des connaissances. Pour cela, plusieurs chemins sont bien sûr possibles et ce billet a choisi de se concentrer sur les aspects ludiques et sur ce qu’on nomme d’un terme très à la mode la gamification.
Gamifier la pédagogie : est-ce possible ?
Apprendre en jouant, suivre un cours en ligne sur son smartphone sans avoir l’impression de « bucher » au point que l’expérience devienne sympathique, attractive, voire addictive… Voilà qui paraît bien séduisant ! Avec un résultat particulièrement intéressant : l’apprenant passe du temps sur les contenus sans compter ses heures et sans trouver cela pénible, ce qui facilite sa compréhension et sa rétention des informations. Permettre un apprentissage fluide et efficace en jouant : est-ce possible ? Comment faire en sorte qu’un support pédagogique s’apparente à s’y méprendre à un jeu ? Cela nécessite de bien maitriser quelques notions, à commencer par celle du « jeu ».
Le jeu : une définition plus que floue
Jouer est l’une des activités humaines (et pas seulement humaines) les plus répandues, on pourrait même dire l’une des premières pratiquées par les enfants. Jouer est naturel et spontané. Pourtant, décrire clairement ce qui définit une activité ludique et la distingue d’une autre qui ne l’est pas, n’est pas chose aisée. Tout d’abord, jouer est une activité qui a un objectif nettement différent de la plupart des autres occupations humaines, car jouer (que ce soit avec un jeu de table ou un jeu électronique) ne donne pas de résultats tangibles comme d’autres activités telles que travailler. En ce qui concerne les enfants, on peut trouver une justification particulière, car le jeu est l’activité principale à la base de l’apprentissage. Mais en ce qui concerne les adultes, il est nécessaire de trouver des raisons différentes pour justifier les activités ludiques, car le jeu n’est pas un « moyen » pour atteindre un but, mais un but en soi (contrairement au travail, qui est le moyen pour atteindre par exemple le but de gagner de l’argent).
La définition du jeu fournie par des dictionnaires indique que « toute activité que l’on exerce avec plaisir et motivation, liée à des sentiments et des émotions positives, basée sur des règles et des buts (internes et contextuels à l’activité en question) et impliquant une notion de compétition, (qu’elle soit physique ou mentale, vis-à-vis de soi-même ou d’autrui) » peut être identifiée comme étant un jeu.
Les ingrédients clé du jeu : règles claires + motivation
Si les frontières du jeu sont floues, les ingrédients indispensables permettant de classer un objet dans cette catégorie sont relativement connus et peu variables. Tout d’abord, tout concept de jeu repose sur un gameplay bien spécifique, dont l’utilisateur doit pouvoir facilement saisir les principes sous-jacents. Par gameplay nous entendons l’ensemble des règles qui régissent le jeu (how to play the game), autrement dit les modalités d’actions permises par le jeu, les possibilités offertes par l’environnement, l’ensemble des commandes à disposition du joueur ainsi que l’architecture compétitive du jeu. Au-delà de la beauté des graphismes ou de l’exploitation d’une licence convoitée (car liée à un film ou série télé à succès), le succès d’un jeu est intimement lié à l’expérience de jeu qu’apporte le gameplay choisi.
Toutefois, un ensemble de règles de jeu bien défini n’est pas le seul élément indispensable pour créer un “bon” jeu, car si l’utilisateur n’éprouve pas l’envie de jouer tout cela restera une coquille vide. Pour comprendre ce que signifie “avoir envie de jouer” il faut se tourner vers les études de psychologie sociocognitive, ayant analysé les mécaniques motivationnelles, qui sont à la base de la sensation de défi que l’utilisateur doit percevoir.
En effet, un jeu qui respecte les principes classiques de l’ergonomie des interfaces (lisibilité, cohérence, facilité de prise en main, etc.) et qui possède des règles claires mais qui ne présente aucun challenge pour l’utilisateur et ne stimule pas son envie de jouer sera forcément un échec et on pourra donc considérer qu’il n’est pas adapté à ses utilisateurs (et, par conséquent, pas ergonomique, paradoxalement). Sans motivation, il n’y a pas de défi à relever. Que l’on joue pour apprendre et progresser, que l’on joue pour gagner ou encore pour s’évader ou tout simplement pour l’expérience de jeu elle-même (selon le découpage de motivations proposé par Sutton-Smith, 1995), il faut que l’utilisateur trouve dans le jeu un facteur de stimulation qui le motive et le pousse à relever le défi (la possibilité d’obtenir certains objets, pouvoirs ou informations, la possibilité de se confronter à des adversaires puissants…). Qui dit motivation et challenge dit également récompenses et c’est sur la bonne alchimie de défis, échecs, récompenses et punitions que repose la formule d’un jeu vidéo (purement ludique, ou éducatif comme un Serious Game) réussi.
La gamification d’un support pédagogique, adaptée au smartphone
Ce qui tombe bien dans le cas d’un dispositif pédagogique c’est que les notions de progression, de niveaux, de réussite et d’échecs sont intrinsèquement liées à la nature même de l’apprentissage. Ajouter des dynamiques telles que des petits défis (une fois de plus, pas obligatoirement en termes de compétition avec autrui, car nous restons notre pire ennemi !), des découvertes « bonus » (qui gratifient l’apprenant au cours de son exploration du contenu) ou encore des mécaniques sociales (de type « je deviens le super expert du domaine », ce qui me permet de coacher les autres) peut rendre l’expérience avec le dispositif pédagogique bien plus motivante et donc efficace.
Mais cela ne suffit pas. Il est également indispensable d’inscrire la gamification dans un parcours pédagogique global, qui assure le bon dosage entre différents types d’activités, dans différents modes d’accès (à distance et en présence, en synchrone ou asynchrone, seul ou en groupe, avec ou sans tuteur ou enseignant…).
Le tout en prenant en compte les aspects ergonomiques de l’interaction avec l’interface. Ainsi dans le cas d’un dispositif pédagogique mobile, il faudra penser à adapter ces mécaniques aussi bien aux contraintes d’affichage (petit écran) qu’aux spécificités de l’interaction avec un smartphone, qu’on dégaine souvent à l’arrêt de bus ou lors d’une courte pause de travail: des activités de courte durée, directement praticable. Le tout, sans oublier les principes d’optimisation de l’affichage, de la navigation, de la gestion des erreurs… bref l’ergonomie de l’interface ! C’est là que la technologie native prend tout son sens ! Nous en reparlerons dans un billet ultérieur…
Diplômée d’école de commerce et passionnée par les innovations du numérique, Noémie a enfilé son scaphandre et rejoint l’équipe Teach on Mars au poste de Content Manager. Elle intervient en marketing et événementiel tout en contribuant à Teach on Earth, une initiative sociale et environnementale.